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Les conseils de longévité et de bonheur du Dr Leung Kok Yuen

Commentés par Patrick Shan

Lors de son dernier passage en France, le Docteur Leung Kok Yuen, mentor de nombreux praticiens de médecine chinoise en Occident, a remis à Patrick Shan une lettre qu’il lui a demandé de transmettre à tous ses anciens étudiants. Cette lettre, adressée à un ami il y a 5 ans et dans laquelle il fait un bilan personnel, constitue un témoignage d’autant plus précieux que le Dr Leung a cessé toute activité d’enseignement depuis qu’il a pris sa retraite en 1992. Voici cette lettre, source insoupçonnée de sagesse et de réflexion.

lkyDocteur Leung Kok Yuen« Cela fait maintenant quinze années que je suis à la retraite et que j’habite Vancouver, réputée pour sa douceur de vivre. Je me réjouis d’avoir connu le bonheur, la longévité, la santé et la tranquillité, bien que je ne sois ni riche, ni noble.
Mon bonheur, je le dois tout d’abord à l’harmonie familiale : mes quatre enfants ont fondé leur propre famille, mes dix petits-enfants me rendent joyeusement visite de temps en temps, car ils habitent tous à Vancouver.
Je dois également le bonheur au fait que je m’entends bien avec tous mes amis, que je traite toujours, ainsi que ma famille, avec sincérité.
Je suis heureux, enfin, d’avoir simplement de quoi m’approvisionner en suffisance : je dépense ma retraite raisonnablement, et ne manque ainsi ni de vêtements ni de nourriture.
La longévité est un autre cadeau qui m’est fait : j’ai passé depuis longtemps le Gu Xi (anniversaire des 70 ans), et viens de parvenir au Chao Zhang (80).
Mais la longévité ne serait rien sans cet autre don précieux qu’est la santé : à mon âge, j’ai la pensée encore agile et le déplacement aisé.
La tranquillité, enfin. Cette tranquillité, aussi bien mentale que physique, n’est pas exactement un don. En fait, il est assez difficile de gagner cet état sans un travail de méditation et une pratique quotidienne dont voici les principaux éléments :
Je respecte le Xian Qing, ce qui signifie que je laisse mes sept émotions s’exprimer avec modération. Je suis le plus souvent d’humeur égale, et ne me laisse pas emporter par la joie ou par la colère.
Je respecte également le Xian Yu, c’est-à-dire que je ne manifeste pas de désirs exagérés.
Je prends des repas simples, légers et peu épicés, évitant ainsi les maladies qui entrent par la bouche.
Je mène une vie calme et reposante, teintée d’une activité quotidienne modérée, et cela fait longtemps que je n’ai pas effectué de longs voyages.
Tous les jours, je prends plaisir à effectuer un peu de jardinage, à boire du thé, à chanter des poésies tout en me promenant dans les parcs (dans une humeur bien différente de celle du grand poète Qu Yuan, qui lorsqu’il était en exil, chantait ses poésies mélancoliques). Enfin, j’aime à jouer au Pu Yi (jeu chinois ancien, ancêtre du Mah Jong, des jeux de cartes et d’échecs), dans un esprit de « lutte douce » qui a le pouvoir de détendre les émotions. »

Ici prend fin la lettre.

Une lecture superficielle peut donner l’impression, comme disait Baloo, « qu’il en faut peu pour être heureux ». Ce qui n’est pas faux. D’autres pourront penser que le Dr Leung est simplement quelqu’un qui a eu beaucoup de chance. C’est ignorer que la vie est faite de choix. Et que si la vie apparaît douce à cet homme sage et fragile, c’est qu’il a su s’y conformer au mieux. Car lui aussi est un exilé, qui aurait eu de quoi s’adonner au chant morbide de la mélancolie. Lui aussi aurait pu, en tant que médecin mondialement connu et respecté, détenteur de la toute première licence d’acupuncteur aux
Etats-Unis, troquer son modeste cabinet familial contre une clinique à l’américaine, accumuler les biens privés et les apparitions publiques, bref, se complaire dans une vision occidentale du bonheur associé à l’argent et à la célébrité, en menant une « grande » vie qui aurait sans nul doute été plus courte.

Au lieu de cela, le Dr Leung a cultivé patiemment le jardin de ses émotions, de ses désirs, de ses amis, de ses repas, de ses activités. Et loin de se glorifier des fruits récoltés, il les reçoit comme autant de cadeaux.
À travers ce courrier personnel, le Dr Leung nous offre un ultime enseignement. Il exprime ici en quelques mots une philosophie de vie qui ressemble à s’y méprendre à celle du médecin Qi Bo dans le tout premier chapitre du Nei Jing Su Wen (Classique de la médecine chinoise, compilé vers 300 av. J-C), celui traitant de Yang Sheng, l’art de nourrir la vie. Ce faisant, il nous donne une chose essentielle à méditer. À savoir que la médecine n’est pas seulement une somme de choses à apprendre, mais aussi, et avant tout, une voie à suivre. L’essence du Taoïsme est là. Le Dr Leung est un homme-médecine, au sens où il a, tout au long de sa vie, veillé à incarner les conseils qu’il a transmis. Sans jamais chercher à briller, mais toujours à éclairer. Offrant ainsi aux autres à suivre ce que Don Juan appelait « une voie qui a du Cœur ». C’est une chose rare, signe d’une tradition authentique, qui fait à mes yeux toute la valeur de son enseignement.

Puissent ces quelques lignes -que n’auraient, je pense, pas reniées Hippocrate- inspirer tous les jeunes praticiens de médecine chinoise, et contribuer à guider utilement tous ceux qui approchent de leur « vieux jours ».

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