Le choix du cèdre, à la fois comme acronyme et symbole de notre école, n’est pas le fait du hasard. Transmettre la tradition médicale chinoise, c’est transmettre ce tout : racines, tronc, branches. Car seul l’arbre dans son entier peut perdurer et donner des fruits.
Les choix du CEDRE
Le CEDRE ne propose pas un enseignement standardisé de l'ethnomédecine chinoise. Il transmet une tradition vivante, emprunte de valeurs, qui font partie de l’étude comme de la pratique de cette médecine. Notre enseignement met l’accent sur le diagnostic, et révèle l’unité que forment les différentes branches thérapeutiques traditionnelles de la médecine traditionnelle chinoise.
Le CEDRE ne se contente pas d’enseigner, il forme. Et il ne forme pas à une technique, mais à une médecine. C’est pourquoi nous limitons le nombre d’étudiants par promotion pour mieux les accompagner. Parce qu’il assume le niveau de sa formation, le CEDRE décerne ses propres certificats. La démarche du CEDRE n’étant pas ethnocentrique, mais ethnographique, la médecine occidentale n’est pas un prérequis pour pratiquer cette médecine qui se suffit à elle-même depuis des siècles, et qui est bien plus proche d’Hippocrate que de Pasteur.
Le CEDRE transmet de manière horizontale un savoir vertical. Ses meilleurs étudiants ont la possibilité de devenir à leur tour enseignants. C’est la notion de « Collectif d’Etude ».
Une tradition vivante
Depuis ses origines, la médecine chinoise s’est transmise dans le cadre de traditions familiales et de maître à élève, un peu selon le principe du compagnonnage en France. Cette forme de transmission lui a permis de se préserver et de se perfectionner à travers le temps.
Au cours du siècle dernier, la Révolution Culturelle et l’ouverture de la Chine à l’Occident ont fait subir à la médecine chinoise des changements plus profonds et plus rapides qu’elle n’en avait connu en plusieurs millénaires. Il en résulte de nos jours deux formes d’enseignement et de pratique très distinctes de la médecine chinoise : l’une, universitaire et hospitalière, s’efforçant de rejoindre les critères épistémologiques de la médecine occidentale, l’autre, tentant de maintenir une tradition orale fidèle à la triple philosophie taoïste, confucianiste et bouddhiste des origines de cette médecine, tout en l’adaptant à l’évolution du monde moderne.
Le CEDRE appartient à cette seconde catégorie, pour qui l’enseignement relève lui aussi d’une tradition, où l’acquisition du savoir va de pair avec un certain travail et développement personnel. Il existe beaucoup de livres et d’instruments permettant d’apprendre et de pratiquer la médecine, mais la volonté de la comprendre et de l’incarner revêt une exigence supérieure, qui implique que chaque futur praticien écrive son propre livre, et devienne l’outil de la guérison de ses semblables.
Au delà de l’exotisme, une science universelle
La médecine traditionnelle chinoise est une science aux lointaines origines chamaniques, qui ne sépare pas le corps de l’esprit, ni l’homme de son milieu. Elle est constituée d’un mélange indissociable de connaissances propres à la médecine (anatomie, physiologie, étiologie, nosographie etc), mais aussi de psychologie, de sociologie, d’écologie et de spiritualité. En Occident, ces branches font l’objet d’études distinctes, rendant plus difficile la compréhension des ressorts du vivant.
Bien que faisant appel à des sources multiples, l’ethnomédecine chinoise n’en est pas moins une science, reposant sur des lois et des principes. La notion d’énergie, synonyme de vie, qui est au coeur de la théorie médicale chinoise, est familière aux physiciens, et la théorie du Yin-Yang constitue un modèle mathématique de l’organisation matricielle de notre monde. La médecine occidentale repose quant à elle davantage sur la biochimie et la génétique, qui sont d’autres sciences respectables. Il faut simplement se souvenir que, de même qu’il y a plusieurs médecines, il y a différentes sciences, qui n’ont pas toutes la même approche ni la même définition des choses.
L’intérêt majeur de cette médecine n’est pas qu’elle soit chinoise, mais qu’elle soit traditionnelle, c’est à dire qu’elle repose sur un savoir intemporel et universel. Si nous sommes redevables à la civilisation chinoise d’avoir su préserver à sa manière la médecine d’Hippocrate, il serait dommage de s’en tenir à son emballage culturel et ne voir en elle qu’une science exotique, alors que cette médecine nous offre de renouer avec notre propre tradition perdue. A l’heure où, chez nous, la médecine de proximité se raréfie, où elle se focalise sur les maladies sans trouver le temps de s’intéresser aux malades, où le diagnostic demande une technologie de plus en plus sophistiquée, où les coûts de santé augmentent sans cesse, et où de nouvelles maladies apparaissent au rythme des nouveaux traitements, cette transplantation apparaît aussi bienvenue qu’urgente.
Une formation adaptée au rythme de l'étude
Le CEDRE offre depuis plus de 30 ans une formation de MTC complète et de qualité, conçue pour s’intégrer au mieux dans la vie familiale et professionnelle. Un Collectif d’Etude, le CEDRE, regroupe des praticiens et enseignants qualifiés, riches d'une longue expérience pédagogique, mais qui ne se donnent pas le titre de professeur, car le fossé qui habituellement sépare les professeurs des étudiants est ici comblé par une volonté de savoir partagé dans un esprit commun. Au CEDRE, il n’est pas jugé indispensable d’être chinois, médecin ou universitaire pour avoir une chance de devenir un jour praticien ou enseignant. L’étudiant d’aujourd’hui peut être l’enseignant de demain, et l’enseignant d’aujourd’hui peut encore apprendre quelque chose demain. Quant au praticien, s’il sait conserver son esprit d’étudiant, ce sont les patients eux-mêmes qui, au terme de sa formation, deviendront ses professeurs, et continueront de le faire progresser dans sa pratique.
Reconnaissance de la Médecine Traditionnelle Chinoise
Il est important de distinguer la reconnaissance sociale de la reconnaissance juridique de la Médecine Traditionnelle Chinoise en France. En ce qui concerne la reconnaissance humaine et sociale, tout bon praticien y a droit.
Les praticiens de Médecine Traditionnelle Chinoise sérieux, installés depuis longtemps et rendant un service sanitaire signalé, ont généralement la reconnaissance de leurs patients, sont bien intégrés dans leur quartier ou leur village, et travaillent en bonne intelligence avec les autres médecins, qui les considèrent comme des acteurs de santé à part entière, même si, pour raison d’appartenance à des systèmes différents, la communication entre eux se fait surtout par patient interposé.
Les tradipraticiens et ethnomédecins formés au CEDRE exercent leur activité dans le cadre des « soins de santé non règlementés », voient une partie de leurs soins remboursés à leurs patients par certaines mutuelles, et paient normalement leurs impôts. Ils sont parfaitement insérés dans le tissu social.
En ce qui concerne la reconnaissance juridique, la situation est différente : la médecine traditionnelle chinoise en France fait l’objet d’un vide juridique, qui fait que sa pratique est tolérée sans être réglementée. Depuis plus de trente ans, on entend parler de l’imminence d’une réglementation… en réalité, une telle réglementation est extrêmement difficile, et aurait plus de chances d’apporter à la MTC des contraintes insupportables que la liberté qu’elle mérite.
Quoi qu’il en soit, aucun "diplôme" de MTC, fût-il chinois, n’a actuellement valeur de "diplôme d’état" dans notre pays. Les médecins diplômés de la faculté n’ont pas le droit, eux non plus, de pratiquer n’importe quelle médecine. Par exemple, un médecin occidental ne peut pas prescrire de pharmacopée chinoise (ce qui est normal, vu qu’il n’a pas les compétences requises).
Médecine et Sacerdoce
Nous apprenons en médecine chinoise que la vie ne nous appartient pas ; c'est nous qui lui appartenons. Il en est de même pour cette médecine comme des autres : elle sont avant tout une vocation au service d'autrui, non la propriété exclusive de tel ou tel groupe. Aujourd'hui, en Europe, les écoles de Médecine Chinoise commencent à se développer, et c'est bon signe. La diversité a toujours été source d'enrichissement, et l'établissement d'un monopole médical, fut-il traditionnel, n'est pas dans l'esprit de cette médecine. Tout enseignement subit nécessairement l'influence de ceux qui le transmettent. Au carrefour de la science et de l'art, la médecine traditionnelle chinoise est particulièrement sensible à ces influences, qui conditionnent sa forme pédagogique et l'esprit dans lequel elle est abordée.
En tant que responsable des études, je souhaite vous dire quelques mots de cette éthique qui, sans faire explicitement partie des matières enseignées, n'en constitue pas moins l'âme d'un enseignement. La médecine est un sacerdoce. Ce mot vient du latin sacerdos, qui veut dire "prêtre". Le Ling Shu (Ch IX) nous apprend que "Dans la Chine ancienne, les médecins étaient des chamans (Wu Yi : médecins sorciers)", c'est à dire des intermédiaires entre l'homme et l'univers dont il dépend.
Aujourd'hui encore, la fonction de médecin et celle de prêtre, l'un aidant face à la vie, et l'autre face à la mort, restent intimement liées : il est des patients qui se confessent à leur médecins, tandis que d'autres partent en pèlerinage trouver la guérison... Cette dimension du médecin dépasse largement le cadre technique et froid dans lequel la science expérimentale cherche à le confiner. La vraie médecine est sans doute celle qui réussira à trouver l'équilibre délicat entre ses deux versants opposés, ses aspects Yang et Yin, masculin et féminin :
- celui de la rigueur et de la méthode, nécessaires à toute compréhension, devant reposer sur des faits et être validée par l'expérience ;
- celui d'une capacité d'amour et de compassion, qui - la science l'admettra bien un jour - porte en elle-même une dimension thérapeutique et décuple la puissance de tout acte qu'elle accompagne.
Nous avons cette chance, d'être les praticiens d'une médecine capable de réconcilier le corps et l'esprit, l'homme et la nature, la science et la foi. Apprendre la médecine, c'est aussi apprendre à aimer les hommes, et à les soigner dans le respect d'une nature qui leur a donné vie, et la leur reprendra. La médecine n'est pas chose difficile pour qui sait observer et pour qui sait aimer. Et à nos yeux, la volonté - commune aux médecins du corps et à ceux de l'âme - de soulager la souffrance humaine, est une qualité plus précieuse, pour qui veut devenir thérapeute, que la plus vaste des éruditions.
La finalité de nos études n'est pas la médecine, ni la maladie, ni même le malade, mais l'homme en bonne santé, capable de réaliser sa vie. Cherchons moins à briller qu'à éclairer.
Patrick Shan